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30 Nov

Dieu est grand, je sui toute petite

Publié par laurentgantner http://www.youscribe.com/cavailles3  - Catégories :  #Films

2001, 1h38. Real : Pascale Bailly

Une production Alain Sarde et George Benayoun.

Avec Audrey Tautou (Michèle), Edouard Baer (François), Jean Reichman (Joseph), Atmen Kelif (Ali), Catherine Jacob (Evelyne), Philippe Laudenbach (Jean), Cathy Verney (Florence).

 

Pascale Bailly fait partie de ces cinéastes accrochés à s’infiltrer dans l’univers intimiste de ses personnages pris entre l’âge adulte et l’adolescence qui, à force de se chercher, doivent bien finir par trouver quelque chose. De la spiritualité, de l’amour, d’amères désillusions de l’amitié ? C’est selon et chaque jour à sa part de peines et de joies. Mais c’est mal barré pour cette jeune femme guillerette que joue Audrey Tautou comme si elle y était. Elle a vingt ans et le sentiment d’avoir ratée sa vie. Entre des copains fanfarons avec qui elle n’accroche pas vraiment elle s’éprendra d’un vétérinaire.

 

Avec une histoire d’amour simple ce n’est, certes, pas l’une des plus grande du cinéma, Pascale Bailly taille presque un procès à l’inadéquation des exigences d’une pratique religieuse rude encadrée d’interdits et la distance qu’elle établirait entre le vécu des individus ou des communautés entre elles qui feraient de rivalités leur centre d’intérêt. Parfois sur le point de se rompre, la relation de Michèle et François trouve un peu de stabilité par l’adoption de la pratique religieuse comme si la nécessité de meubler leur vie conjugale se faisait sentir alors qu’il est hors de question d’avoir un enfant. La rudesse de l’enseignement est terrible, ils somnolent au cours de vie juive et l’on ne sait pas vraiment si le blason du judaïsme en ressort redoré après l’exposé de Pascale Bailly tant il est vrai qu’au bout du compte, les deux partenaires se sépareront faute de ne pas y arriver mais pas d’avoir essayé. Toute une leçon de courage et une soif d’apprendre charpentent alors le film qui cherche à sonder un peu la spiritualité d’une femme qui ne s’est jamais sentie bien dans le catholicisme finissant par se convertir au judaïsme après une expérience désuète avec le bouddhisme ! Mais à prendre la religion au pied de la lettre on fini par perdre le sens de la vie car alors pénètre l’individu dans les affres de la dictature spirituelle. Exemple. Pour Michèle, approcher les parents de François qui viennent d’Israël est hors de question. Une fois la rencontre surmontée, une relation humaine des plus sobre se protocolise comme si les distances ainsi maintenues symbolisaient le deuil permanent du regard porté sur les photos, les dernières de ceux qui ont disparu dans les déportations. Et puis le moindre mauvais geste à l’égard du sacré peut avoir des conséquences dramatiques et frôler le qualificatif d’irrespectueux. Toucher un candélabre, mais pour qui est-ce si grave ? Les parents qui disent que ce n’est pas grave ou le fils qui se sent directement blessé ? Au spectateur de choisir et de s’épanouir par la problématique de ces hypothèses posées avec un soin critique et une sincérité existentielle qui ne contourne pas la problématique que la réalisatrice met en cadence par les soubresauts qu’elle génère en notre conscience à propos de traditions qu’on ne peut pas forcément vivre au quotidien. Il faut tout essayer dans la vie sauf peut-être de faire un film raté que le public moquerait au lieu d’encenser. Et pour cause, le fait d’ingurgiter toute une littérature tantrique ne vous rapproche pas forcément de Dieu. Aller au cinéma voir Le fascisme ordinaire de Mikhail Romm ne vous pousse pas à confondre holocauste et shoah, deux notions complètement différentes puisque la première est l’appellation d’un sacrifice sous consentement religieux tandis que le second atteste de l’acte génocidaire de crime contre l’humanité. Lire Belle du Seigneur d’Albert Cohen, se faire photographier sous la robe pour le Japon (ils en raffolent) et prétendre éprouver le besoin de vivre par Dieu l’éloignerait presque des réalités alors que Dieu est en elle, dépouillé des babioles d’ornementation qui en sclérosent la compréhension. Une fois ramenée à la vie dans un minimum d’entourage – les parents, Joseph, le petit ami et les camarades ne semblent pas constituer le principal bonheur – le personnage de Michèle éclate d’exigences comme si elle attendait autre chose de ce banal baratin de la nécessité copulatoire. Dans ce sens le film apparaît comme un calepin à tiroir où l’on range les tracasseries du passé pour regarder les lendemains un peu plus solidifié ou alors déglingué par des proches qui déçoivent. A la manière d’une confession sous forme de journal qui s’effeuille au rythme calendaire des attirances et des mésententes, Michèle apprend à dire «non» et finir peut être par croire en elle au lieu de chercher un lien avec quelque chose d’autre qui la ferait croire en elle. Portée vers une certaine rigueur Pascale Bailly tente d’éclaircir les ambiguïtés entre les personnages. Conflits de génération et crise spirituelle restent quand même abordés assez superficiellement. Quant à l’amour, il ressemble à de la naïveté, un caprice adolescent. Par une pirouette la réalisatrice sauve le spectateur en le laissant choisir entre le meilleur et le pire de confessions dont on saisi l’authenticité mais pas la finalité flouée par l’hésitation et le besoin de distancer les prières de la jeune femme des formes trop rigides de ses pratiques.

 

(8/10)

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