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24 Oct

À Strasbourg, Alain Bihr redéfinit les contours et l’importance capitale du jeu syndical :

Publié par laurentgantner  - Catégories :  #Société

appel à la lucidité historique, apaisement et écartèlement de la confusion des genres. Un regard d’érudit et multiplicité des phénomènes liés à l’extrême droite.

À la croisée des chemins entre philosophie et sociologie, doctorat et professorat en carte de visite des plus simples, il est intervenant à l’Université de Haute Alsace mulhousienne en qualité de maître de conférences ainsi que chercheur au Laboratoire d’Intelligence des Organisations et plus que tout autre lié par l’écriture dans ses multiples ouvrages qui maintenant - enfin diraient certains - dépassent aujourd’hui les frontières ; il voit dans «la pensée d’extrême droite et la crise de la modernité» l’Actualité d’un archaïsme.

Historique, dédramatisation mais néanmoins constance.

Ordinairement, Alain Bihr n’est pas un homme aride de paroles mais la prise de conscience effrénée et pourtant si salutaire qu’il mène depuis voilà, mettons quinze ou allez, une bonne vingtaine d’années autour de la question de l’émergence et de la faible stabilisation des droites prises en leurs extrêmes, le propulse au devant des marges de la compréhension et de l’explication de cette entité politique vers laquelle se jettent et se raccrochent les plus démunis dans le processus identitaire envers qui, beaucoup de réactions irréfléchies, dénotent par mégarde ou par démagogie critique, la hantise de peurs passéistes, des comparaisons abusives avec des phénomènes connus dans l’histoire mais est-ce sans doute là le signe d’une précipitation de l’engagement politique qui traduit, à elle seule, quand même la prégnance de certaines angoisses liées au programme institutionnel de ce compère politique qu’est Jean Marie Le Pen.

Rappelant sans cesse la stagnation de cette minorité politique qui, si elle ne se dilue pas jusqu’au centre de la droite qu’elle convoite dans sa totalité, devrait rester un groupuscule isolé comme il l’a d’ailleurs toujours été au cours de son demi siècle de tapage électoral. C’est là qu’interviennent pour nous éclairer ses observations qui mettent le doigt sur l’épineux problème du recrutement des votants de l’extrême droite qui effectivement appartiennent à une certaine idée de la démocratie où le nationalisme limité et la xénophobie de comptoir ne peuvent, à l’évidence, être aptes à conduire un pays - qui plus est républicain - vers la réduction des conflits d’une société plurielle. Et de sur rajouter pour ne pas dire insister encore davantage sur le fait que, par principe, ce Front National ne peut être fasciste, par définition et sous condition de ne rester qu’un phénomène limité d’une certaine droite à condition qu’il ne s’étende pas aux plus hautes autorités de l’État. Quant à une internationale d’extrême droite cela demeure encore plus utopique et les agrégats de l’actualité qui les rapportent, ils ne peuvent provenir que d’une perte de l’esprit de criminels/terroristes transformés en patriotes activistes le temps d’un week-end pour se faire poursuivre par la Justice qui semble décidée, elle aussi, à mettre de l’ordre dans les comportements mais pas de la même manière. Il faut faire mention ici d’un ancien déporté présent dans la salle qui rappelle les actes de Loups noirs sortis de nulle part et des réunions près de La Petite Pierre où plusieurs participants européens étaient réunis, aux vues des immatriculations des autobus présents à ce moment là, pour «célébrer» et «faire honneur» parfois à des formes de néo-nazisme ou à de l’extrême de l’extrême tout en restant une composante particulière qui singe l’ensemble de cette droite des plus reculées sans pour autant en constituer un vecteur directeur.

Les pratiques isolées de ces portes flambeaux transformés en poignées collectives sont loin de constituer les hordes qu’ils nous annonçaient et ne peuvent, en aucun cas, être comparables et assimilables au fascisme tel que l’histoire le conçoit et cela ne peut y conduire sans un profond remaniement des structures constitutionnelles des modalités électorales qui pour l’instant garantissent encore l’émergence de majorités modérées et néanmoins sérieuses vis-à-vis desquelles cette extrême droite ne peut qu’exercer une pitoyable concurrence. Il faudrait y rajouter pour conclure l’hypothèse, pourtant significativement en marche, d’un accroissement immodéré de ses fidèles, ce qui est loin d’être prouvé bien que des ouvriers menacent de rejoindre ses troupes par «apathie», pour rappeler à la gauche le point sensible de son échec marqué par une rupture du dialogue et une part syndicaliste qui n’excède pas les 9% sur le territoire ce qui paraît dérisoire alors qu’elle est la plus faible d’Europe. Le manque d’intérêt à cela pose aussi à chacun de nous, individuellement pris en compte, le problème de l’être ensemble et des choix militants qui logiquement ne peuvent qu’aller vers les moins pires des solutionspolitiques.

Perspectives et ouverture de la mémoire frontiste. Parfois xénophobe, profondément nationaliste, menaçante pour monter au pilori et modérée quand il le faut ; celle-ci ne peut faire d’émules qu’en ses rangs.

Bien que ce soit une faible partie du corps ouvrier qui reste un ensemble à part entière des composantes salariales par rapport aux blocs de fidèles issus de l’artisanat, du petit commerce, d’une partie de l’agriculture et, de plus récemment encore, d’une portion d’employés modèles qui appliquent les règlements intérieurs au pied de la lettre excluant toutes formes de compromissions, Alain Bihr regarde la fuite d’un certain électorat de la gauche traditionnellement soudée par la désaffection du discours politique lui-même impliqué jusqu’en ses fondements qui petit à petit ne correspondait plus aux attentes des électeurs qui attendaient autre chose ou comprenaient mal l’entrée en matière de la mondialisation et de l’ouverture prononcée envers les promesses du libéralisme qui restent à elles deux uniquement des épiphénomènes de la médiatisation accrue de l’extrémité des droitiers en Europe et que les véritables raisons de leur existence proviennent du bénéfice d’une situation qui met en cause plusieurs paramètres à la fois sociaux, syndicaux et idéologiques. Inversement aux propensions et aux aptitudes que possèdent certains à accorder aux faits observables plus d’importance qui ne leur est due, le trop court exposé d’Alain Bihr - car on l’écouterait volontiers plus longtemps tant ses analyses sont minutieuses et objectives - insiste dans son argumentation dans le déroulement de son exposé sur les traces de comparaisons abusives dont il faut se méfier pour qu’elles ne profitent pas, finalement, au plus malchanceux des candidats qui ne cherche qu’à y faire son lit, y prospérer et en faire la dénonciation d’une faute historique et langagière lorsqu’on assimile l’extrême droite contemporaine à du fascisme.

Non, décidément ce vendredi là, il n’y avait pas foule pour oser suivre de manière intellectuelle les rapports de l’extrême droite avec son électorat de base et périphérique, son assimilation à peine farfelue avec le fascisme qui nécessite d’autres conditions que celles que partagent les droites actuelles en France qui se montrent quand même dans leur ensemble plutôt opposées globalement et tant pis si à l’échelle régionale de certaines localités des pactes de ralliements convertissent certains en partenaires du Front National comme pour signaler qu’il y a toujours des exceptions qui viennent confirmer la règle. Incompréhensible mais cependant historiquement démontrable, la situation de l’extrême droite actuellement tourne essentiellement autour d’un axe troublant entre l’équilibre civique des habitudes politiques qui, à force, auraient pu venir à bout et reculer les peurs que met en scène et dont se joue avec parcimonie cette extrême droite, à la discrétion des démocraties libérales mondialisées, qui de toutes façons est incontournable et que chacun espère ne pas voir en elle le contrefort du pouvoir, quand il est à droite et comme il est adroit dans la distribution des rôles à propos d’une «division du travail» jusqu’aux tâches les plus élevées de l’état il faudra lire et relire encore Alain Bihr pour que nous comprenions enfin effectivement où vont les démocraties européennes qui deviennent si nationalistes avant de crier au loup trop rapidement sans sourdines, un point aveugle à lever en quelque sorte.

Toujours accompagné de Dédél’illustrateur mulhousien expressionniste et caricatural des mentalités nationales et aussi locales, le fil de la discussion était égayé d’une plume affinée par un regard drôle et utopique sur de multiples anathèmes. Sans être une pure et simple condamnation, le plaidoyer d’Alain Bihr représente de manière argumenté une mise en garde dédramatisée de principe à l’encontre d’un leader de groupe politique pas si différents des autres dont le langage n’est qu’un calque du plus fignolé Barrès dont s’inspire chacune de ses interventions tant il est au bord de la paraphrase et normalement amené à disparaîtrre ou tout au moins dans l’incapacité démocratique de devenir le chef d’un État français cosmopolite.

Calme et serein, cet érudit cerne avec honnêteté les enjeux soulevés autour de la problématique ratissée par le Front national depuis son coup de ressort jugulé dans la personnalité de M. Le Pen autour du milieu des années quatre vingt ainsi que la crise ouvrière qui s’y juxtapose, intrinsèque, rampante et sans retour pour certains ; Alain Bihr regarde son époque de manière exemplaire en tenant compte des motivations certainement historiques, probablement économiques et surtout sociologiques pour nous projeter dans un avenir politique d’une plus grande importance qui nous implique au sen civique avec l’espoir que tous puissent y trouver leur humanité aussi pénible qu’elle risque d’être à endurer pour redevenir accessible...quand la démocratie véritable veille au grain. Mais le peut-elle encore ? On en doute en Alsace après la vulgarité toute récente du mentor de cette extrême droite et la salle vide qu’a rencontré l’intervenant vendredi dernier à la maison des syndicats elle aussi presque déplacée sous couvert d’autres institutions «nouvelles» dans des ralliements plus sectaires !

Bibliographie : entre autres citons particulièrement,

La Néo-social-démocratie ou le capitalisme autogéré, Sycomore, 1980.

La Farce tranquille. Normalisation à la française, Spartacus, Paris, 1986.

Pour en finir avec le Front national, Syros, Paris, 1993 (traduit en Italien).

Déchiffrer les Inégalités, Syros, 1995, deuxième édition 1998.

Homme-Femmes : l’introuvable égalité, Éditions de l’Atelier, Paris, 1996.

Ouvrages collectifs :

L’Extrême Droite en Europe de l’Ouest, VUBPresse, Bruxelles, 1991.

Qu’est-ce que l’Étranger ? Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1996.

L’Appel de Strasbourg, La Nuée Bleue, Strasbourg, 1997.

Négationnistes : les Chiffonniers de l’Histoire, Golias/Syllepse, Lyon/Paris, 1997.

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